La lutte contre la fraude sociale est devenue un axe central des politiques publiques. Depuis 2023, le gouvernement a déployé un arsenal de mesures pour identifier les irrégularités, ciblant en priorité les bénéficiaires des aides sociales. Pourtant, cette focalisation suscite des critiques, notamment sur son efficacité et son impact social.
Des moyens considérables pour une fraude limitée
Alors que les fraudes fiscales atteignent des sommets — estimées à 15,2 milliards d’euros en 2024 —, celles liées aux prestations sociales représentent à peine un milliard d’euros, soit une fraction du préjudice total. Ce contraste met en lumière une forme de disparité dans les efforts de contrôle. Selon Vincent Dubois, sociologue, il existe une tolérance implicite envers les pratiques d’optimisation fiscale, alors que la fraude sociale est traquée avec une intensité disproportionnée.
Les populations précaires en première ligne
Les dispositifs déployés, notamment dans le cadre des allocations comme le RSA ou l’aide médicale d’État (AME), semblent cibler prioritairement les populations vulnérables. L’utilisation d’un algorithme par la Caisse d’allocations familiales (CAF), révélée en 2023, illustre cette approche. Ce système attribue aux bénéficiaires un « score de risque », entraînant des contrôles parfois abusifs. Ces méthodes, critiquées pour leur manque de transparence, posent des questions éthiques et accentuent la stigmatisation des plus précaires.
Une vision biaisée de la fraude
L’association Changer de cap souligne que, parmi les irrégularités détectées, de nombreuses résultent d’erreurs administratives ou de démarches complexes, et non d’une volonté délibérée de frauder. En effet, les « 400 millions d’euros de préjudice » relevés par la CAF en 2024 représentent moins de 0,5 % des sommes versées chaque année. Cela remet en cause l’idée selon laquelle la fraude sociale constituerait une menace majeure pour les finances publiques.
Un objectif inatteignable ?
La quête du « zéro fraude » sociale, mise en avant par le gouvernement, apparaît comme un objectif irréaliste. Derrière cette rhétorique se cache une volonté politique de démontrer la capacité des pouvoirs publics à préserver la « valeur travail ». Toutefois, cette stratégie risque d’exacerber les inégalités et d’ignorer les véritables enjeux, comme la lutte contre les fraudes fiscales bien plus conséquentes.
En multipliant les moyens de contrôle et en renforçant les sanctions, le gouvernement entend illustrer sa fermeté. Mais cette approche soulève des interrogations : est-il pertinent de consacrer autant de ressources à un problème aussi marginal, alors que d’autres formes de fraudes causent des préjudices bien plus lourds ? La question mérite d’être posée.