Les Caisses d’allocations familiales réclament des trop-perçus (indus) aux allocataires et se remboursent en pratiquant des retenues mensuelles sur les prestations dues de revenu de solidarité active (RSA), d’allocation aux adultes handicapés (AAH), d’aide au logement (APL, ALS, ALF) ou de prestations familiales.
Ces retenues ont fréquemment lieu illégalement, parfois sans que les allocataires ne soient informés de l’existence des indus et donc avant qu’une contestation ne puisse être adressée (II).
Ces retenues sont parfois excessives et atteignent 50% voire 100% des ressources des allocataires (III). Ces retenues continuent illégalement même lorsque les allocataires ont adressé une contestation (I).
Face à ces pratiques illégales, les allocataires et usagers ont des droits prévus par les Lois et Règlements pour leur permettre de contester.
Ces retenues illégales justifient que les allocataires victimes puissent demander des dommages et intérêts (IV).
I- Les caisses d’allocations familiales doivent arrêter toute retenue dès que l’allocataire conteste un indu
En application des articles L. 262-46 du Code de l'action sociale et des familles, L. 553-2, L. 821-5-1, L. 835-3 et L. 845-3 du Code de la Sécurité sociale et L. 351-11 du Code de la construction et de l’habitation, l’Administration doit suspendre toute retenue, dès qu’un recours a été formé par un allocataire.
L’interdiction faite aux caisses d’allocations familiales (CAF) concerne les retenues faites dans le cadre du Plan de remboursement personnalisé (Prp) mais également les « compensations immédiates » faites par les caisses d’allocations familiales lorsque qu’un rappel de prestation est dû à l’allocataire.
Cette règle est applicable même en cas d’accusation de fraude ou de fausse déclaration puisqu’aucun texte ne prévoit le contraire.
II- Les retenues ne doivent commencer qu’après que l’allocataire ait été informé de l’existence d’un ou plusieurs trop-perçus
L’allocataire doit être informé par écrit avant que les retenues ne soient mises en œuvre, pour qu’il puisse former utilement sa contestation et/ou demander une remise de dette.
L’allocataire doit être informé de l’existence du ou des trop-perçus avant que la caisse d’allocations familiales ne commence à mettre en place le remboursement pour permettre à l’allocataire de décider s’il souhaite ou non rembourser l’indu en une seule fois ainsi que le prévoient les articles L. 262-46 du Code de l'action sociale et des familles, L. 553-2, L. 821-5-1, L. 835-3 et L. 845-3 du Code de la Sécurité sociale et L. 351-11 du Code de la construction et de l’habitation.
III- Les Caisses d’allocations familiales n’ont pas le droit de décider des montants des retenues mensuelles
Les montants des retenues mensuelles que les Caisses d’allocations familiales sont autorisées à faire doivent être calculés automatiquement en fonction des ressources du foyer, du montant du loyer (ou remboursement d’emprunt) et du nombre de personnes au foyer. Même en cas de fraude, les règles de calcul doivent être respectées et les caisses d’allocations familiales n’ont pas le droit de fixer des montants de retenues arbitraires.
Les règles de calcul des retenues sont fixées par les articles L. 553-2 et D. 553-1 du Code de la Sécurité sociale.
L’article L. 553-2 du Code de la sécurité sociale dispose que les retenues « sont déterminées en fonction de la composition de la famille, de ses ressources, des charges de logement, des prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales »
En cas de fraude, le directeur de la caisse d’allocations familiales peut majorer le montant de la retenue d'un taux fixé par décret qui ne peut excéder 50 %. C’est le montant calculé de la retenue qui est majorée de 50%. Cette règle n’autorise pas à faire des retenues égales à 50% des ressources.
L’article D. 553-1 du Code de la Sécurité sociale fait la liste les ressources à prendre en compte et des charges de logement à prendre en compte puis explique clairement comment doivent être calculées les retenues mensuelles.
Pour chaque année civile, un arrêté met à jour les plafonds de retenues que doivent respecter les caisses d’allocations familiales.
Pour l’année 2020, l’article 5 de l’arrêté du 20 décembre 2019 relatif au montant des plafonds de ressources de certaines prestations familiales et aux tranches du barème applicable au recouvrement des indus et à la saisie des prestations prévoit que (…):
« 1° Les tranches de revenus pour lesquelles sont effectuées les retenues sont fixées à :
– 25 % sur la tranche de revenus comprise entre 266 euros et 396 euros ;
– 35 % sur la tranche de revenus comprise entre 397 euros et 593 euros ;
– 45 % sur la tranche de revenus comprise entre 594 euros et 792 euros ;
– 60 % sur la tranche de revenus supérieure à 793 euros ;
2° La retenue forfaitaire opérée sur la tranche de revenus inférieure à 266 euros s'élève à 49 euros ».
A titre d’illustration, pour un allocataire du RSA n’ayant aucune charge d’hébergement, ni aucune charge de famille, la retenue maximale est de 74 euros environ.
Si l’allocataire a des charges d’hébergement (loyer ou remboursement de prêt immobilier) ou des charges de famille, le montant des retenues devra être plus faible.
La conséquence des règles de calcul des retenues est qu’une retenue de 100% des ressources du foyer est manifestement illégale.
IV- Les allocataires peuvent demander des dommages et intérêts en cas de retenues illégales faites par les CAF et les départements (ou Métropole de Lyon)
Toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, s’il en est résulté un préjudice direct et certain.
La responsabilité des Caisses, des Départements, de la Métropole de Lyon peut être mise en œuvre même en l’absence d’une faute grave.
A titre d’illustration, la Caisse d’allocations familiales de Paris a été condamnée à payer des dommages et intérêts pour avoir illégalement fait des retenues alors que l’allocataire avait contesté l’indu qui lui était réclamé.
La Cour d’Appel de Paris a rappelé la règle selon laquelle « si la Caisse peut, lorsqu’elle a trop versé, retenir les indus sur les prestations qu’elle doit à un assuré, elle ne peut cependant plus le faire à compter du moment où la créance est contestée » (Cour d'appel de Paris, Pôle 6 – chambre 12, 23 février 2017, n° 14/13127). Il doit être précisé que dans cette affaire, la Caisse d’allocations familiales a été condamnée à payer des dommages et intérêts même si finalement l’allocataire devait également rembourser des indus.
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